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L’art de vivre, une gracieuseté de…

Martine Gingras

Le déjà très prolifique créneau des magazines consacrés à l’art de vivre et à la vie pratique a accueilli ces derniers temps plusieurs nouveaux venus. Las de vous ruiner chaque mois à acheter le Wallpaper*, le Martha Stewart Living, le Coup de pouce et tous les autres? Bienvenue dans le merveilleux monde des magazines publicitaires ou commandités (que j’appelerai désormais les «publi-mags»)!

Ce n’est pas le choix qui manque! Je suis déjà abonnée à Qu’est-ce qui mijote (en anglais What’s cooking), un magazine (papier et électronique) publié par… Kraft. Peut-être préférez-vous La vie simplifiée (en anglais Home made simple), un site d’art de vivre de Procter & Gamble? À moins que vous ne craquiez pour Pourtoutvousdire (homebasics), de Unilever? Ou alors vous êtes déjà un inconditionnel du Evolve de Sony? Eh oui, après les magazines financés par la publicité, voici venu le temps des publi-mags! Une tendance qui s’affiche aussi à la télévision, avec des émissions comme Ma maison Rona (voir à ce sujet la discussion d’il y a quelques mois sur Pressepapiers.net, qui incidemment fête son premier anniversaire aujourd’hui… :))

J’ai failli être choquée par ce mélange des genres. Mais juste failli. Je me suis rapidement ressaisie en feuilletant le plus récent Martha Stewart Living, où la célèbre dame décrète l’importance de traîner toujours un appareil photo numérique avec soi alors qu’à l’endos de son magazine figure une publicité d’un kit complet de photo numérique de Sony… Non, elle ne vous incite pas à acheter un Sony, mais elle fait la promotion d’un appareil incidemment vendu par celui qui a payé la publicité la plus coûteuse dans le magazine. L’idée d’avoir toujours son appareil numérique avec soi aurait-il été d’une importance aussi capitale (au point d’y consacrer la chronique mensuelle de Martha) si Sony n’avait pas acheté la page arrière? Où se situe la frontière entre le choix éditorial et la publicité?

Au moins, avec cette nouvelle génération de magazines publicitaires, on sait d’entrée de jeu qu’il n’y en a pas. Et puis on ne paie pas pour se faire refiler ces contenus commandités: c’est gratuit ;-) Ça donne parfois des associations tirées par les cheveux, notamment lorsque pourtoutvousdire accole une image d’antisudorifique aux articles de la section «l’art d’être parent». Réalisé autrement, ça aurait pu passer pour de l’humour, mais pour le moment, ça ressemble surtout à un effort désespéré de placement de produit. Comme lecteur, on n’est pas dupe et on passe à autre chose…

Mais on rencontre aussi dans ces nouveaux magazines de bons petits trucs sans lien aucun avec les produits: par exemple, le Qu’est-ce qui mijote regorge d’idées de décorations d’Halloween qui n’ont rien à envier à celles que je retrouve dans les magazines payants. Dans ce cas-ci, le pari que semble faire Kraft est de créer une habitude de lecture au même titre qu’un magazine traditionnel (sans s’obliger à «ploguer» nécessairement les produits), et de promouvoir une image positive de la marque. Ça ne suffira pas à me convaincre d’acheter des mets préparés en sachets, mais cette voie me semble quand même intéressante pour ces entreprises qui lancent leur propre publi-mag.

Cependant, si l’expérience s’avère fructueuse pour ces nouveaux «annonceurs-éditeurs», est-ce qu’à terme les magazines traditionnels pâtiront de leur arrivée dans le monde de l’édition? Les abonnés délaisseront-ils certains magazines payants (financés par la pub) au profit des magazines gratuits (commandités)? Les annonceurs investiront-ils autant dans les publicités ou privilégieront-ils les investissements dans leur propre magazine? Tendance de fond ou ponctuelle?