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La fierté expliquée à un extraterrestre

Martine Gingras

Imaginez qu’un extraterrestre débarque chez vous. Après quelques jours passés à lui pointer des objets et à les nommer, vous arrivez à entretenir une conversation de base (il apprend saprément vite), et même à regarder la télé. Et donc des pubs. À la fin d’une publicité, l’extraterrestre remarque que vous avez le poil tout droit dressé sur les bras et vous demande pourquoi. Vous aussi, vous vous demandez pourquoi (vous êtes reconnue pour être «publicitéflon»). Vous ressentez un sentiment de fierté. Et vous essayez de l’expliquer.

Pour quelque chose d’aussi futile qu’une publicité, vous vous retrouvez à devoir expliquer l’intangible, à entrer sur le périlleux territoire des concepts et des sentiments: amour, croyance, abandon… pour en arriver enfin à la fierté! Comment expliquer la fierté à un extraterrestre?

Vous commencez avec quelques généralités: la fierté, c’est sentir qu’on a accompli de grandes choses: obtenir un diplôme, gagner une compétition… Ah oui? Mais cette publicité qui semble avoir touché une corde sensible, elle ne parle que de gastronomie nationale (en montrant une poutine), de déménagement (que les Québécois font tous à l’unisson le 1er juillet) et autres petites choses du quotidien. Vous commencez à le trouver un brin agaçant, mais vous n’allez quand même pas mettre en péril les bonnes relations intergalactiques pour si peu.

La fierté ne s’explique pas, en arrivez-vous à conclure, elle se ressent, pour des actions posées à petite comme à plus grande échelle. L’extraterrestre peut aisément associer la fierté à l’idée de gagner une compétition, mais pour la poutine, ça demeure obscur pour lui. Il a besoin d’exemples supplémentaires. Vous cherchez un peu dans votre quotidien de banlieusarde:

· La fierté, c’est lorsque le patron d’une entreprise d’entretien de terrain demande à deux banlieusards: «Coudonc, travaillez-vous dans le domaine vous aussi?» NDLR: Un lecteur pressé conclura ici que c’est la fierté classique du gazon de banlieue verdoyant qui est en cause… absoluement pas! Lesdits banlieusards ont probablement le pire gazon du quartier, mais ils ont posé des questions sur le mélange Lab Écolo T qu’ils avaient vu au Jardin Daniel A. Séguin et ils étaient en terrain connu lorsque le patron a fait référence au livre Pelouses et couvre-sols

· La fierté, c’est lorsque mon doux arrive à la caisse du Réno-Dépôt et que la caissière lui demande: «je vous reconnais… n’êtes-vous pas déjà venu ici quatre fois cette semaine?»

Ah, oui, la pub en question? C’est une publicité de cola qui se termine sur la phrase suivante: «Ici, on dit pas ici, on dit icitte Je ne sais si l’extraterrestre comprendra pourquoi une petite phrase peut arriver à attiser la fierté des Québécois, mais la compagnie Pepsi, elle, l’a certainement compris ;-)